10 Plat principal Régional, durable... et exotique! Pendant longtemps, le contenu de leurs assiettes ne pouvait être assez exotique au goût de M. Suisse et Mme Suissesse. Comment étaient produits ces aliments et quel trajet les avait menés dans lesdites assiettes était secondaire. Mais les crises ont laissé des traces. L’avenir appartient au local. Et l’envie d’exotisme étant restée, de plus en plus de denrées exotiques sont produites en Suisse. Les producteurs suisses découvrent des nouveautés pour leur offre Des citrons vaudois? Il y a encore vingt ans, on aurait raillé Niels Rodin pour l’idée de cultiver ce fruit en Suisse à des fins lucratives. La société vivait dans une culture de l’abondance, les produits exotiques de tous les coins de la planète étaient aussi populaires que leur disponibilité était évidente. Pourquoi mettre une telle énergie dans une denrée que l’on pouvait importer si aisément? Mais les temps changent: aujourd’hui, Niels Rodin est considéré comme visionnaire, ses produits sont prisés, gourmets et chefs étoilés ne jurent que par eux. C’est l’histoire d’un succès que Michael Rüttimann connaît aussi. Depuis deux ans, cet Argovien cultive du riz à risotto dans un champ près de la Reuss, riz plébiscité autant par sa clientèle privée que par la restauration. Niels Rodin et Michael Rüttimann ne sont que deux exemples parmi beaucoup d’autres. De nos jours, des entrepreneuses inventives et des entrepreneurs innovants de tout le pays s’essaient à fabriquer des denrées alimentaires exotiques, du caviar et du saumon aux kiwis, sans oublier le gingembre. Le marché leur dit merci sous forme d’une large demande. Une tendance née de crises La tendance à la base de cette évolution s’appelle «New Glocal». Elle découle d’une prise de conscience en profondeur qui s’est accentuée pendant la pandémie puis avec la guerre en Ukraine: dans le contexte du changement climatique brutal, la crise du coronavirus nous a montré pour la première fois ce que c’était que de voir certains aliments manquer dans les rayons à cause de chaînes d’approvisionnement interrompues. Directement après, nous avons dû, au vu des bouleversements géopolitiques, reconnaître à quel point nous nous étions rendus dépendants ces dernières décennies. En bref, les nombreuses crises qui ont eu lieu dans le monde quasiment simultanément ces derniers temps ont dévoilé crûment les faiblesses d’un système établi auparavant sur une longue période, et elles ont hissé la démarche durable au rang de credo supérieur. Un credo que les gens réclament aussi à table. Ce credo, la nutritionniste et experte en modes alimentaires réputée Hanni Rützler lui accorde une grande valeur. L’étude «Foodreport 2023», fruit de travaux de recherche que l’Autrichienne publie une fois par an depuis 2013, s’inscrit indubitablement dans la pensée durable. Elle dit: «L’idée durable est aussi devenue un facteur de différenciation important dans la restauration. Les clients de la jeune génération attentive surtout aux problèmes climatiques regarderont encore plus à l’avenir, en choisissant leur restaurant, si le ‹moteur intérieur› de l’entreprise correspond à leurs propres valeurs.» Nouvelle mise en valeur du régional Hanni Rützler fait ressortir en particulier le «glocal» comme une des plus grandes tendances de l’avenir proche. Les dynamiques en marche sont si fortes qu’elle n’y voit pas moins qu’un «signe précurseur de la prochaine étape de l’évolution dans la production mondiale d’aliments». Ce qui veut dire, donc, que l’élément régional est désormais l’objet de toute l’attention. Car c’est simple: plus on produit près, plus les trajets sont courts et plus la transparence quant aux conditions de production et à la qualité est grande. Selon Hanni Rützler, cette mutation va mener à un changement dans l’assortiment des commerces, car la demande en produits régionaux augmente sans cesse. Son bilan: «Ce n’est pas le prix le plus bas, mais la disponibilité régionale qui devient le premier critère pour importer des aliments ou non.» Alors que les producteurs locaux souffrent depuis des années d’une forte pression due aux coûts et aux attentes, des chances s’ouvrent désormais à eux. D’une part, ils peuvent étoffer leur offre existante et faire découvrir des variétés anciennes de fruits et légumes. D’autre part, de la place est libérée pour la nouveauté. Quand le cultivateur d’agrumes Niels Rodin dit que «ses agrumes sont différents des produits vendus habituellement dans le commerce», ce n’est pas seulement le résultat des conditions de culture, mais aussi de son immense plaisir à expérimenter et de sa passion. Et quand le pro- «Ce n’est pas le prix, mais la disponibilité régionale qui devient le premier critère.» Hanni Rützler, experte en tendances alimentaires «Glocal» vient de l’anglais et combine les adjectifs «global» et «local». La tendance «New Glocal» est une mode alimentaire actuellement très forte qui veut corriger les disproportions dans le lien entre aliments produits localement et aliments importés. Dans cette nouvelle orientation, les structures agricoles régionales et le marché intérieur doivent être renforcés, et en même temps, les règles du jeu pour les importations doivent être durcies quant aux critères de durabilité. NEW GLOCAL
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