Soif 05/2022

People & Entertainment 19 Un cocktail avec Julien Morand Depuis plus de 130 ans, votre famille produit des spiritueux en Valais à la Distillerie Morand. À quel point le grand écart entre tradition et innovation vous met-il au défi? Julien Morand: Les enjeux ont évolué. Mon père ne devait se concentrer que sur la haute qualité des produits. Il ne savait pas ce que sont des problèmes de débouchés. Or, avec le temps, le marché des spiritueux a connu un bouleversement. Il y a quarante ans, 80%des spiritueux étaient d’origine suisse. Pour environ le même volume consommé, aujourd’hui, la part des produits suisses n’est plus que d’environ 15%. L’influence de l’étranger est énorme. Comment pouvez-vous réagir à cette pression des fabricants étrangers? Chez nous, en Suisse, la publicité pour l’alcool est très restreinte. Il nous est difficile, par exemple, de montrer aux touristes quels superbes produits nous élaborons ici en Suisse. D’autre part, nous devons être flexibles et réagir à cette évolution. Nous tenons de plus en plus compte des souhaits des consommateurs, sans perdre nos valeurs traditionnelles. Quels produits sont populaires auprès des consommateurs et clients? S’il y a des années, c’étaient surtout les eauxde-vie de fruits traditionnelles qui étaient prisées, aujourd’hui, le client recherche de plus en plus des boissons spéciales et exclusives. Rhum, vodka, whisky, gin et tequila: tout ceci a la cote. Soit nous en produisons aussi, soit «Les alcools nobles sont demandés» L’entreprise familiale Morand de Martigny produit des eaux-de-vie de doux fruits valaisans depuis 1889, et elle élabore aussi des sirops de premier choix. Le membre du conseil d’administration Julien Morand explique à SOIF que la demande en produits premium est en hausse, comment Morand réagit à cette hausse, et note que la Suisse alémanique a une autre culture du sirop que la Romandie. Depuis plus de 130 ans, la Distillerie Morand à Martigny est fortement liée au Valais et à ses fruits. Son savoir-faire et la création de nouveaux produits lui permettent de perpétuer son succès. Morand élabore entre autres liqueurs, concentrés de fruit, sirops, eaux-de-vie ou encore gins haut de gamme. Julien Morand, membre du conseil d’administration, est la quatrième génération à diriger l’entreprise familiale. www.morand.ch D I S T I L L ER I E MOR A ND «Nous constatons une hausse de la demande en eaux-de-vie régionales.» Julien Morand nous rendons nos produits traditionnels sexy et attrayants en restant authentiques et d’excellente qualité. Mais surtout en les présentant sous de nouvelles formes comme les Douces de, les Cœurs, les Mousses ou les «sur fruit». Nous racontons alors une histoire. La nôtre. Avec quel enjeu pour la Distillerie Morand? Nous lançons régulièrement de nouveaux produits uniques. Je pense à la nouvelle dimension qu’a atteint l’eau-de-vie: pour ce produit premium, nous utilisons 20 kilos de fruits par litre. L’arôme au nez et au palais est d’autant plus intense. Je pense aussi à la Williamine ou à l’Abricot sur fruit, à base de nos merveilleuses eaux-de-vie et d’une compotée de fruits. Ces produits vont de succès en succès. Quelle est l’importance de l’origine locale des spiritueux? Les spiritueux étrangers conserveront toujours des parts de notre marché, mais la sensibilité envers le développement durable est en progression vertigineuse. Dans son sillage, nous constatons, un peu comme pour la bière, une hausse de la demande en eaux-de-vie locales. Grâce au climat et au sol fertile, la vallée du Rhône est un desmeilleurs terroirs pour cultiver des fruits, et les fruits (avec l’eau) sont l’ingrédient de base des bons spiritueux. Morand produit également divers sirops. Est-ce aussi une réaction à l’évolution de la demande de la part des clients? Nous avons toujours vu un grand potentiel dans nos fruits sucrés du Valais et dans les abricots et les poires williams pour la production de sirops de premier choix. La qualité de nos variétés de sirop a convaincu les consommateurs, la clientèle réclame encore plus de variétés. Aujourd’hui, Morand propose une large palette de variations de sirop. Il est intéressant de voir que les Suisses alémaniques et les Romands ont une culture du sirop différente. Alors qu’en Suisse romande, les adultes aiment bien aussi boire du sirop, en Suisse alémanique, on en commande surtout pour les enfants. Mais dans des cocktails ou mélangé avec du café, le sirop reçoit un bon accueil partout. «De nos jours, le client savoure de plus en plus des boissons nobles.»

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